Par Pierre de La Coste
La gouvernance de l'Internet est un sujet majeur qui commence à atteindre le grand public. Jusqu'à lors cantonné aux cénacles d'experts, ce sera le sujet central du SMSI (Sommet mondial sur la société de l'information) de Tunis, du 16 au 18 novembre. La récente initiative de l'Europe qui vise à rééquilibrer le pouvoir actuellement sans partage du Gouvernement des Etats-Unis sur la gestion des noms de domaine, a trouvé un large écho dans la presse spécialisée, comme 01.net, mais aussi dans Libération. Voir aussi le site de la délégation française, pour toutes les informations pratiques sur le sommet.
Ce qui rend urgent la réforme du "gouvernement" de l'Internet, c'est le succès universel et mondial du réseau, qui touche maintenant en profondeur tous les secteurs de la vie économique, sociale, culturelle de la planète, comme le souligne Bernard Benhamou, expert de la question et membre de la Délégation française, et qui a peut-être aujourd'hui un peu moins le sentiment de prêcher dans le désert.
Le paradoxe de l'e-administration
Le paradoxe devient insupportable si l'on aborde les progrès de l'e-administration. Si demain, la quasi-totalité de nos impôts, de notre état civil, de nos procédures administratives, de notre protection sociale, et voire peut-être de nos élections, passe par Internet, comment accepter que l'architecture des noms de domaines reste la propriété du département du commerce américain ? et qu'il soit géré techniquement par un organisme, l'ICANN, dépourvu de la moindre indépendance?
Mais faut-il, pour autant, par peur du "Big Brother" américain, refuser de moderniser notre Etat et se crisper sur ce bon vieux papier, effectivement peu piratable et espionnable? C'est plutôt la voie inverse que nous devrions suivre: tous les progrès européens en matière d'utilisation d'Internet, d'e-administration et de e-démocratie légitiment d'autant plus les stratégies politiques qui visent à partager de manière équitable la gouvernance du réseau.
Bien entendu, les Etats-Unis ne lâcheront pas facilement un pouvoir lié à leur "rôle historique" dans l'organisation du réseau et n'accepteront pas de sitôt une organisation de type ONU, fondée sur le multilatéralisme. Ainsi, et contrairement à ce qu'écrit un peu légèrement dans Libération Sébastien Bachollet, président de l'ISOC-France, c'est bien le gouvernement américain qui a tout fait pour éviter la création du "point EU" (.eu). Que la bureaucratie européenne ait encore aggravé ce retard ne change rien au fond du problème.
C'est donc bien un bras de fer Amérique-Europe auquel nous assisterons à Tunis. A moins qu'il ne tourne au match Amérique-reste du monde.
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