Par Jean-Paul Droz
Le Ministre Xavier Darcos a récemment installé la mission E-educ sur les technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement. Confiée au Syntec informatique, la composition des membres de la mission en a fait réagir plus d'un, moi le premier. Double absences remarquées, celle des sociétés ou associations liées au logiciel libre et celle des élus locaux au travers de leur représentation. Mais ne boudons pas notre plaisir et acceptons l'augure que ces membres sauront recueillir les avis de l'ensemble des acteurs.
Oui notre plaisir car notre pays est un tantinet schizophrène sur le rôle des TIC dans le monde de l'éducation. Tenté par Michel Serres convaincu que les nouvelles technologies sont la troisième révolution que connaît l'humanité après l'écriture et l'imprimerie, et les conséquences seront aussi considérables que lors de ces deux précédentes périodes charnières. Mais tenté aussi par Alain Finkielkrault qui n'a de cesse que de vouloir débrancher l'école.
Et la réalité est là, si les TIC peuvent être utilisées par les enseignants pour préparer les cours et les élèves pour leurs devoirs (enfin surtout pour t'chater), ces nouvelles technologies sont très souvent absentes lors du déroulement de la classe. La dernière édition du BETT à Londres en janvier, la plus grande manifestation mondiale sur ce thème, a montré l'extraordinaire vivacité de ce marché dominé par les Anglo-saxons et plus généralement les pays de l'Europe de nord, mais aussi les Espagnols, les Brésiliens, les Indiens... Mais ne soyons pas pessimistes, pour la première fois une délégation française fut présente (voir photo). Malgré tout, il semble que chez nous la question du pourquoi n'étant pas vraiment réglée, la question du comment peine à véritablement émerger (heureusement avec certains contre-exemples).
Si j'ai quelque espoir en cette mission, c'est dans le traitement de plusieurs thèmes:
en premier lieu un effort de définition et de mise en place de principes: le déploiement des TIC relève de la nécessité de créer un véritable système d'information qui doit être sous-tendu par de puissantes plateformes technologiques. Il faut pouvoir procurer des services Web 2.0 innovants et très évolués à des centaines de milliers d'utilisateurs dans des conditions de simplicité, de sécurité et de fiabilité optimales. Plusieurs acteurs outre-Manche possèdent ces plateformes où se connectent à chacune plus de 2 millions d'utilisateurs, à comparer avec les 500.000 comptes créés toutes solutions confondues chez nous au niveau national. C'est une affaire d'industriels, n'est-ce pas au demeurant l'intérêt de la France de promouvoir l'émergence de champions de dimension internationale?
en second lieu, notre mille-feuilles administratif complexifie l'approche. Les investissements des nouvelles technologies mais aussi leurs usages sont du domaine partagé entre l'Etat et les collectivités territoriales, c'est à dire les 24.000 communes avec au moins une école, les 100 départements et les 26 régions. La mission ne doit-elle pas aborder la question de la gouvernance et les nouvelles règles à définir pour aborder sereinement la question? Il faut y faire attention car l'Espagne (l'Allemagne...) où chaque région gère de la maternelle au supérieur l'éducation va nous distancer définitivement.
enfin en intégrant le rôle des TIC à l'école dans des projets qui aujourd'hui sont traités mais de façon isolée, comme les politiques de e-inclusion, l'apport pour les handicapés ou encore le rôle des familles.
Mais cela sera-t-il suffisant dans un pays qui préfère parler des trains qui arrivent en retard? Les usages suivront-ils? Je fais le pari que cette génération montante native technophile, réseaux sociaux, hypercommunication ne puisse travailler autrement. Mais je fais aussi le pari que les enseignants intégreront ces nouvelles technologies dans leur processus pédagogique parce que ce renouveau est excitant, valorisant. Autorisant l'entraide, la participation, le travailler ensemble, ces nouvelles présentations pédagogiques accrochantes, attrayantes, stimulantes ne facilitent-elles pas la mobilisation et la participation active? Avec un seul but, être au service de la réussite des jeunes.
A la condition que le philosophe, l'enseignant et l'industriel parlent ensemble.
PS: Pour celles et ceux intéressés, voir mon livre sur le sujet.
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