En novembre 2005, à Tunis, lors du sommet mondial de la Société de l'Information (SMSI) j'ai publié sur ce blog quelques compte-rendus d'ambiance. La situation était pour le moins paradoxale: un somme de l'ONU consacré à la liberté de l'information dans un pays totalitaire. Certains pensaient, à tort, qu'il fallait boycotter le Sommet.
En fait, il était facile de prévoir que le pouvoir tunisien ne pourrait pas longtemps censurer Internet, comme il censurait les médias traditionnels. La Tunisie est un pays trop petit, trop proche de l'Europe, trop lié à elle par l'immigration et par le tourisme de masse, pour que le filtrage des sites internet génants pour le pouvoir soit possible, en dépit des 10% de policiers qu'il compte. Si les clients d'un hôtel ont droit à l'Internet haut débit, avec accès à la presse occidentale, comment éviter qu'une partie au moins du personnel de l'hôtel y ait accés aussi?
C'est dans ce contexte qu'est venu le premier coup de semonce tiré par Wikileaks (qui prouve une fois de plus son utilité) en novembre dernier, avec ces cables relayés et commentés notamment sur le blog tunisien d'opposition Nawaat. Ils n'ont probablement rien appris aux tunisiens sur la corruption du régime, mais ils ont sans doute fait comprendre aux activistes du web 2.0, à l'intérieur comme à l'extérieur de la Tunisie, que les clans Ben Ali et Trabelsi avaient dépassé les bornes, en excédant leurs plus fidèles alliés,les américains.
Mais les blogs et les réseaux sociaux ne suffisent pas à faire une révolution. Il ne suffit pas d'être courageux devant son ordinateur. Il a fallu, malheureusement, l'irruption de la mort, du sang, de l'immolation par le feu, du cycle vieux comme le monde révolte-répression, dans la "vraie vie", dans le non-numérique, pour que Ben Ali soit lâché par l'armée.
Internet ne fait pas une révolution, il la prépare, il la nourrit, il l'aggrave, il en assure la publicité, il l'accélère (il est possible que la très grande rapidité de l'effondrement du régime soit due au rôle des réseaux). En un mot, il la facilite. Une révolution n'est pas un jeu video.
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