Atlas Shrugged, le livre-culte et fleuve d’Ayn Rand, est paru fin 2011 aux éditions Les Belles Lettres. Aux Etats-Unis, il est, depuis les années cinquante, le plus gros tirage de l'édition après la Bible.
Qui est John Galt ? peut-être le fruit le plus pourri de l'Amérique contemporaine. Le personnage principal d'Atlas Shrugged. le roman-culte et fleuve d’Ayn Rand, icône intellectuelle de l’Amérique ultra-conservatrice, est un véritable archétype du rêve américain trahi et retourné. Il est le reflet d’une inculture philosophique navrante, celle de l’auteure et celle de ses millions de lecteurs fanatiques américains.
La philosophie d'Ayn Rand, dite « objectivisme », présente également dans ses nombreux livres et conférences, ne trouverait pas grâce aux yeux d’un bachelier du Vieux continent : formée de quelques bribes indigentes d’Aristote et de Thomas d’Acquin mal digérées, mal comprises, mal lues, et de quelques plagiats inavoués de Nietzche, elle ne prend forme et consistance que par son cynisme et sa brutalité marketing.Son expression achevée est le « fameux » discours de John Galt, sorte de Zarathoustra cocaïnomane, que l’on peut qualifier de plus longue et de plus ennuyeuse leçon de philosophie de l’Histoire.
Comment la résumer ? La raison est tout, l'égoïsme est roi, toute entrave à la liberté de l'égo un scandale. Et puis ? Dans le roman, quelques individus, prédestinés, n'ayant plus d'autre Dieu qu'eux mêmes, s'estimant exploités par la multitude, décident d'organiser leur petite apocalypse et de « stopper le moteur de la société ». La raison de la révolte de Galt, dans cette saga industrielle interminable, est le refus, par la société vulgaire, du Progrès technique et scientifique. Celui-ci est représenté par un matériau révolutionnaire, le « Rearden Metal », capable de bouleverser le système économique établi, ce que les couards ne sauraient accepter. Le Progrès, à ce stade, n'est compris que par une élite, ne doit profiter qu'à une élite. (lire la page Ayn Rand sur Wikipedia, et notamment le résumé des critiques qui lui sont adressées)
Dites qu'une telle vision ne mènerait qu'à une jungle dominée par quelques prédateurs et qu'elle nous ferait retomber rapidement dans la barbarie, et vous serez taxé de « communisme »,voire peut-être accusé d'être « français », ce qui est bien pire, par les nouveaux puritains névrosés du Tea-party.
Car Atlas Shrugged n'est pas une dystopie, une vision de cauchemar qui pousse à réagir comme 1984, Fahrenheit 451 ou Le meilleur des mondes. Non, c'est un idéal de vie, qui a fait fantasmer des millions d'américains, persuadés d'être du camp des Saints, des prédestinés. Le parasite, c'est toujours l'autre. Car telle est l'astuce commerciale d'Ayn Strand, et telle est la clé d'un succès phénoménal : faire croire au moindre cow-boy analphabète qu’il est un être supérieur, exploité par plus ratés que lui. Atlas, brûlot matérialiste paru en 1957, serait le livre le plus vendu dans toute l'histoire de la pieuse Amérique, après la Bible. Faire plus d’argent avec la haine de Dieu qu’avec Dieu lui-même n’est qu’un paradoxe apparent, aux Etats-Unis, puisque depuis longtemps c’est l’argent lui-même qui a pris la place de Dieu.
Atlas est presque inconnu en Europe, et n'a été traduit officiellement en français qu'en 2011 aux Editions des Belles Lettres, ce qui en dit long sur le gouffre qui sépare les deux pans de la civilisation occidentale, en dépit de la mondialisation et d'Internet. Ce livre est donc un révélateur parfait de l'état de la société et de la culture outre-Atlantique.
Aujourd'hui, dans l'Amérique en proie à ses propres sorcières et ses fantômes originels, la philosophie « objectiviste » d'Ayn Rand, suivant une pente assez voisine de celle de la scientologie de Ron Hubbard, tourne à la secte organisée et rentabilisée (voir par exemple le site du "Ayn Rand Institute"). Sa pénétration dans les sphères politiques, économiques et universitaires n'est plus à démontrer (en dépit des réactions consternées des véritables intellectuels américains). Elle peut servir de justification idéologique, par exemple, à la destruction de l’économie réelle et des classes moyennes par les surdoués de la Finance ultra-spéculative, se persuadant ainsi de mener la juste croisade des forts contre les faibles.
Surtout, bien que née en Russie, Ayn Rand a su rencontré la fibre profonde de l'âme américaine, en la retournant comme un gant. Le terme « going Galt », devenu proverbial, signifie se révolter, au nom de la libre entreprise, contre l'emprise de la bureaucratie et de l'Etat fédéral. Il est le mot d'ordre des ultra-conservateurs qui gagnent du terrain et regrettent que le mormon Romney soit trop "modéré".
America is « going Galt », far away from it's european roots.
Pierre de La Coste
Ceux qui voudront avoir un autre point de vue liront avec profit ceci:
http://www.institutcoppet.org/2011/09/04/qui-est-ayn-rand/
Pierre, ton anti-américanisme, anti libéralisme primaires te fond dérailler grave.
"Dites qu'une telle vision ne mènerait qu'à une jungle dominée par quelques prédateurs et qu'elle nous ferait retomber rapidement dans la barbarie" : C'est absolument consternant. Je ne te traiterai pas de communiste, mais bon...
La philosophie Randienne suppose au contraire que jamais un riche ne puisse profiter de l'état pour bétonner ses positions. Le principe de responsabilité individuelle, poussé à l'extrême, induit au contraire que nul ne saurait "sombrer dans la barbarie" sans être aussitôt lourdement condamné.
Ce sont les étatistes qui, en protégeant tels ou tels, en définissant ce qu'il est bon de penser ou pas, qui créent les conditions du retour à la barbarie (je ne saurais trop rappeler la lecture de "la route de la servitude" de Hayek à ce sujet).
J'ajoute que Rand décrivait par le menu dès les années 60 le processus de destruction de la classe moyenne américaine par le socialisme rampant à l'oeuvre dans ce pays, bien moins "ultra néo giga libéral" que les gauchistes et anti libéraux primaires ne le disent. Car la société américaine actuelle, qui récompense l'échec par le sauvetage bancaire institutionnalisé, et refuse de poursuivre pénalement les exactions commises par des banquiers contre des investisseurs et des propriétaires, est l'antithèse de l'ordre social libéral pensé par Rand. C'est bien parce que l'amérique a perdu de vue ses racines libérales (dont on ne rappellera jamais assez que la RESPONSABILITE est la clé) qu'elle est dans la merde, et nous avec.
Bon, pour de vrai, Ayn Rand est chiante à lire. Je préfère Mises ou Thomas Sowell. Question de goût.
Rédigé par : vincent | février 05, 2012 à 06:38 PM
Ton amour de l'Amérique et du libéralisme te rendent aveugle à la monstruosité d'Ayn Rand, véritable ennemie de toute forme d'organisation sociale, puisqu'elle n'est pas une simple romancière, mais une "philosophe politique" aux nombreux partisans.
Oui, l'Amérique est libérale quand ça l'arrange. Il n'en demeure pas moins que la simple idée de rembourser des médicaments à un malheureux enfant malade, qui ne peut pas les payer parcequ'il est né dans une famille pauvre, donne des boutons aux fanatiques du Tea Party, qui accusent Mitt Romney d'avoir créé une sorte de Sécu lorsqu'il était Gouverneur du Mass. Je te trouve implacable pour la souffrance humaine. Figure toi que j'ai développé des boites, puis créé une start-up en France, que j'ai pris des risques, que je me suis retrouvé dans une situation difficile, et que j'ai été content de bénéficier de notre horrible "Etat-providence" communiste qui a continué de me payer les frais de ma "maladie longue durée" et de ses conséquences. C'est la raison pour laquelle je veux sauver notre protection sociale en la modernisant grace aux nouvelles technologies notamment (voire notre rapport Hyper-République). Dans la jungle randienne, je serai mort depuis longtemps.
Rédigé par : Pierre de La Coste | février 05, 2012 à 07:17 PM