Par Pierre de La Coste
D’ordinaire, pour participer à une réunion internationale sur les noms de domaine ou la gouvernance de l’Internet, il faut débourser le prix d’un billet d’avion. Mais cette fois-ci, pour les parisiens, un ticket de métro suffit. Pourtant la « société civile » française est relativement peu présente à la réunion de l’Icann qui se tient ces jours-ci à l’hôtel Méridien. Explication simple de Philippe Batreau, responsable d’adminet.fr « à Paris, on a toujours quelque chose à faire, alors que lorsque l’on est à Rio ou à Tunis, on est bloqué aux réunions toute la journée ».
Au total, affluence record, plus de 1500 participants du monde entier. l’attrait de la ville lumière y est sans doute pour beaucoup. Je remarque aussi la féminisation de l’assistance, qui frise la parité, assez rare dans ce genre de réunions. Mais là encore, un ami de France-Telecom RetD, croisé dans un couloir, douche mon enthousiasme : « C’est Paris. Les membres de l’ICANN sont venus avec leurs épouses... » Et sans doute plus encore leurs fiancées et leurs maîtresses, transformées pour l’occasion en assistantes ou consultantes...
Alors, Paris n’est-il qu’une magnifique coquille dorée pour ce genre d’évènement, où l’on discute, en anglais, des choses sérieuses, entre australiens, américains et autres anglo-saxons ?
Pas si sûr. Lors de la réunion publique de mercredi, où tout le monde s’exprime librement, un débat assez vif oppose un citoyen américain nommé Eliot Noss (ça ne s’invente pas : est il de la police ?) qui reproche vertement mais assez confusément au « board » de l’ICANN de tenter de s’affranchir de la tutelle du Gouvernement américain. « Nous savons d’où nous venons, dit-il en substance, mais nous ne savons pas où nous allons ». Autrement dit, le Gouvernement américain qui « possède » en quelques sorte les infrastructures essentielles de l’attribution des noms de domaine, c’est du sérieux, c’est du solide, c’est sécurisant. Toute autre solution « indépendantiste », si l’on peut dire, serait l’aventure, l’insécurité et finalement pourrait mettre à mal l’Internet, ce réseau dédié à la collectivité mondiale.
Pourtant, serait-on tenté de dire, il existe un certain nombre d’organisations internationales qui fonctionnent de manière sérieuse : l’ONU, l’UNESCO, l’OTAN, l’Union Européenne, l’AIEA, le HCR... L’ICANN a certes une immense responsabilité : si cette organisation fonctionne mal ou fait des erreurs, nous ne recevrons peut-être plus de courriels dans notre boite aux lettres. Mais si l’AIEA faillit à sa tâche, ce sont des bombes atomiques que nous risquons de recevoir sur nos ordinateurs... l’AIEA, c’est une organisation internationale plus importante, plus vitale pour la planète que l’ICANN, et pourtant, elle ne dépend pas du gouvernement américain.
Voilà pourquoi il est à la fois nécessaire (tous les participants étaient d’accord) et possible de couper le cordon entre l’attribution des noms de domaines et la tutelle américaine.
(suite demain)
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